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009_chateau.nv
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Les premiers rayons du soleil tombaient lourdement sur le château d'Alaskhar, l'arrachant à un sommeil paisible. Malgré les lourds rideaux rouges qui protégeait ses fenêtres, la lumière matinale atteignit Ismaël en pleine tête et interrompit son rêve à un moment particulièrement frustrant. Il résista un peu mais c'était peine perdue et ses paupières s'ouvrirent lentement, lui offrant l'éternel spectacle quotidien de sa chambre.
Une petite pièce basse, trois murs nus ornés d'une porte, le dernier entièrement vitré et un lit pour seul mobilier, ce n'était assurément pas ici que le décorateur d'intérieur avait déployé le clair de son imagination, comme le rappelait le texte inscrit au plafond : «Merci d'avoir choisi notre modèle de chambre standard 23, déjà plébiscité par cent millions de consommateurs neurasthéniques. Si vous souhaitez un aménagement personnalisé, n'hésitez pas à appeler notre service après vente et comptez jusqu'à cinq cents milles.» La lecture en était rendue difficile par les innombrables fils rouges qui en pendouillaient mollement et dont Ismaël n'avait toujours pas saisi la nécessité.
C'est donc sans regret qu'il quitta ce cocon plébiscité pour s'en aller en quête de nourriture et déboucha par la même occasion sur le couloir attenant. Comme tous les matins, une équipe de serviteurs avaient installé divers pièges afin de maintenir la vigilance de la cour dans l'hypothèse de plus en plus fantomatique d'une guerre. Mais le père d'Ismaël n'était pas encore né lors du dernier contact avec un autre château céleste qui dérivait lentement au milieu des nuages et lui-même tenait ces murs pour l'horizon indépassable de son existence. Il esquiva néanmoins sans enthousiasme les taches de substance gluante et les faux couteaux qui tombaient du plafond moins pour faire bonne figure que parce qu'il s'ennuyait profondément, et parvint enfin à la cuisine la plus proche.
Malheureusement, il arrivait au beau milieu d'une répétition. Les pianistes étaient une caste très respectée et le roi Alaskhar, dans son amour aussi immodéré qu'infondé de la musique, les avait autorisés à se produire n'importe où et quand bon leurs semblaient et toute la cour avait le devoir d'y assister ou à défaut celui de ne pas s'éclipser avant la fin. Ismaël subit donc une demi-heure de gammes chaotiques, car il y avait bien longtemps que plus personne ne savait accorder ces instruments. Cela aurait été moins grave si le pianiste avait eu de vagues notions musicales mais cela aussi avait été oublié depuis une éternité et il se contentait de taper frénétiquement sur les quelques touches qui subsistaient sur le clavier.